Semel 2023 : Mobilisons-nous pour la terre
La Petite Foire, c’est le temps fort de l’agriculture paysanne au cœur de l’été… C’est aussi la nique à la Grande, celle de Libramont, qui charrie son lot de grosses machines alors qu’ici, les participants sont assis sur des bancs de brasserie ou des ballots de paille et que les chevaux de trait côtoyent plus volontiers les bufflonnes et les moutons.
Ne cherchez pas la même ambiance… ici, pas de chemins empierrés ni de grands hall d’exposition. Les stands courent le long d’une seule voie de ferme et les conférences se font sous un chapiteau, les participants assis sur des bancs de brasserie. Mais les échanges sont puissants, militants et interactifs. Ce dimanche, tout mon intérêt a été consommé par un exposé sur les nouveaux OGMs, ceux que l’on nommera désormais NGT, les New Genomic Technics… des catégories de manipulations qui ne figureront désormais plus dans la nomenclature des OGMs. En fait, comme le disait Catherine Wattiez (Nature et Progrès), la meilleure façon d’éliminer les OGMs, c’est d’en changer de dénomination. Le problème, bien sûr, c’est que leur dangerosité (entendez les risques pour la biodiversité mais aussi pour notre alimentation et donc notre santé) sont toujours bien présents.
Le caractère vicieux de la procédure imaginée au niveau européen (merci les lobbys de l’agro-pharma), c’est de les reléguer dans un interland où ils ne seraient plus soumis à la réglementation actuellement en cours sur les OGMs. Fini l’identification même comme OGMs, ce qu’ils sont en réalité. Finie la traçabilité de ceux-ci. Finie, en conséquence, leur identification dans les semences, dans les champs de vos voisins et in fine, dans votre nourriture. On nous prend pour des nabots !
La solution ? Combattre cette législation qui tente de se mettre en place. On connait la voie des pétitions. Il y a aussi une autre opportunité à saisir : les prochaines campagnes électorales. Interpellons nos politiques : que voulons-nous dans nos assiettes ?
Fanny Lebrun, semencière chez Cycle en terre poursuit le temps d’échange en expliquant un minimum ce qu’il y a lieu de savoir sur la production des semences. Elle part de la notion d’hybridité (souvent vite condamnée) pour dire tout l’intérêt que nous aurions comme potagistes, à nous y intéresser. L’hybride est fruit d’un croisement. L’industrie semencière en produit avec un intérêt non caché : ces graines sont à racheter chaque année, car leur stabilité et le succès de leur taux de germination ne sont pas aisément garantie. L’agriculteur·trice qui s’en sert est captif de ses fournisseurs. Pourtant, à une échelle plus modeste, le potager, il y a dans le croisement d’espèces, un intérêt réel pourvu qu’on se forme a minima. Fanny rapporte l’expérience de plusieurs maraîchers et potagistes avec qui elle commence de développer des expérimentations. La logique, là derrière, c’est reprendre la main sur son patrimoine semencier, de le sauvegarder, de le développer, de l’enrichir. Ce n’est pas dans la soumission au secteur industriel que nous pourrons rester maîtres de nos choix.
Les conférences se succèdent de chapiteau en chapiteau. L’instant d’après, c’est Terre en vue qui développe les idées maîtresses de son memorandum. Là, il est question de la gestion de « notre » foncier agricole. « Notre », parce que la terre et notamment agricole est un bien commun. Zoé, Isabelle et Françoise sont unanimes pour réclamer une juste transmission. Il faut favoriser la reprise des fermes par des jeunes. Elles insistent ensuite sur la fonction nourricière des terres et la nécessité de protéger celles-ci -comme on le fait avec le statut Natura 2000 quand il s’agit de pôle de biodiversité à haute valeur ajoutée. Leur choix se porte sur le modèle de TeV : les Coopératives foncières citoyennes. Et d’interpeler le public présent : pourquoi ne deviendriez-vous pas propriétaire terrien ? En achetant de façon solidaire des parts au sein d’une coopérative, vous permettez à des agriculteur·trices de bénéficier d’un outil de travail qui bénéficie à la collectivité. Vous soustrayez surtout ces terres à la spéculation foncière qui fait qu’actuellement n’importe qui peut acheter le sol de notre pays et le détourner de notre projet vital de construire une autonomie alimentaire relocalisée. Les trois intervenantes expliques que les pouvoirs publiques (Communes, CPAS) mais aussi les collectivités comme les fabriques d’Eglises disposent aujourd’hui de terres dont l’orientation d’usage ne fait pas l’objet d’une réflexion citoyenne orientée transition écologique. Puisque des périodes de campagnes électorales vont s’inscrire au calendrier 2024, pourquoi ne pas utiliser notre force citoyenne pour infléchir les partis et les engager sur la voie de la transition. Mesdames, Messieurs les politiques, que comptez-vous faire des terres agricoles de notre patrimoine foncier ? Et puis, tant qu’à réclamer une meilleure prise en considération de cette priorité… pourquoi ne pas l’inscrire dans la constitution : Tout homme, toute femme a droit à une alimentation saine, librement choisie et produite dans des conditions respectueuses de l’environnement et des conditions de travail de ceu·lles qui la produisent. Sans qu’on s’en rende compte peut-être, la Petite Foire de Semel, avec ses chevaux de trait, sa vaisselle collective en fin de repas, ses toilettes sèches, son absence de banque (et de distributeurs), son système de co-voiturage et son bracelet de laine scellé d’un beau nœud de vache, c’est un haut lieu de militance pour une société revisitée. Le thème de cette année était d’ailleurs tout un programme : Autonomie technologique et outils adaptés et réparables pour et par les PaysanNEs, dans un souci d’autonomie technologique low-tech.