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Solidaires avec le monde agricole en grogne

Solidaires avec le monde agricole en grogne

La Ceinture Alimentaire Namuroise est solidaire de tou·tes ses producteur·trices.

Quoi de mieux, pour l’exprimer, que de reprendre les termes utilisés par une bonne partie d’entre eux réunis au sein du Collectif 5 C.

Ceci n’est pas seulement une enième expression de soutien du monde agricole, mais bien une fine analyse de ce qui met notre monde à l’envers.

Ensemble et solidaires, nous sommes la solution…

Une révolution est souhaitable. Elle est déjà en marche.

Mobilisons-nous toujours plus nombreux.


Carte blanche du Collectif 5C

Le Collectif 5C, le Collectif des Coopératives Citoyennes pour le Circuit Court, et ses membres sont solidaires de la grogne paysanne : le système alimentaire actuel n’est plus tenable. Ensemble, nous agissons pour une alimentation au service de la santé, de la justice sociale, de l’environnement et donc pour une économie robuste. 

Oui, la pression à la baisse sur les prix de vente des matières et revenus agricoles devient insoutenable !
Oui, le mal-être paysan devient tel, que le système alimentaire craque de toutes parts !

Oui, les gens de la terre et du vivant méritent d’être davantage reconnus et respectés pour les responsabilités qu’ils endossent pour assurer notre alimentation !

Oui, le système alimentaire actuel doit changer !

C’est le combat et le discours portés depuis sa création par notre Collectif de 43 acteurs de la distribution alimentaire en circuit court en Wallonie et à Bruxelles.

Mais comment en sommes-nous arrivés là et qu’est-ce qui doit changer ?

La situation actuelle est le fruit d’une volonté politique ultralibérale qui vise toujours plus de profit sur l’alimentation,au bénéfice d’une ultra minorité de spéculateurs et d’industriels et au détriment de la dignité et de la santé des paysans·nes d’abord, et des mangeurs·euses et de notre environnement ensuite. Les piliers de la politique agricole commune (PAC[i]) ont voulu et organisé cette obsession pour la productivité, la baisse des prix de l’alimentation et la réduction du nombre d’agriculteurs. La machine ultralibérale et administrative est lancée à toute allure. Il peut sembler complexe de lui barrer la route.

Les accords de libre-échange européens – comme l’UE-MERCOSUR[ii]– constituent le sommet de l’iceberg et un préalable indispensable à combattre. Ils tirent vers le bas et ruinent tous nos efforts d’amélioration de la qualité de l’alimentation et de revalorisation de la profession d’agriculteur·rice, car ces accords norment les prix et l’utilisation de phytosanitaires sur le plus petit commun dénominateur mondial possible, au détriment des lois sociales, d’une économie robuste et solidaire et de l’environnement. Oui, en priorité, les importations européennes doivent être régulées par l’effet miroir – en cohérence des normes qualitatives que nous appliquons en Belgique. 

Mais c’est toute l’équation, y compris en Belgique, qui est faussée. L’agro-industrie de transformation alimentaire et son alter-égo, la grande distribution, imposent à des agricultrices et agriculteurs surendettés de produire toujours plus pour des prix toujours plus bas – quand elles ne se mettent pas en plus à rafler leurs terres. Les fabricants et marchands de semences OGM et d’intrants de la chimie se sucrent sans vergogne sur le dos de nos paysans dont ils entretiennent la dépendance en annihilant la confiance et le savoir-faire ancestral d’un travail en équilibre avec la nature, en décrédibilisant leur capacité à assumer une autonomie alimentaire saine et en minimisant les innombrables risques liés à leur industrie. Nos politiques sont schizophrènes. Car pour répondre aux enjeux colossaux de ce système alimentaire nauséabond, nos responsables politiques préfèrent imposer – tels des pansements – des normes et une bureaucratisation totalement « hors sol ». Ils placent ainsi les agriculteurs et agricultrices comme dindons de la farce entre le marteau et l’enclume. Oui, on marche sur la tête ! 

Une révolution alimentaire est nécessaire

Il ne faut pas se tromper de combat ! Il faut construire une révolution du système alimentaire. Un système alimentaire garantissant l’autonomie des paysannes et paysans pour les émanciper de systèmes économiques et techniques dans lesquels ils ont l’impression de ne plus avoir de choix sur rien. Un système alimentaire valorisant des pratiques agricoles, de transformation et de commercialisation alimentaire responsables de notre santé, de notre société et de notre environnementUn système alimentaire qui place l’humain avant le profit. 

Nos responsables politiques doivent prendre leurs responsabilités, agir de manière coordonnée et faire preuve de cohérence, dans une vision claire et solide sur ce que nous voulons comme alimentation et réorganiser le système en profondeur.

Quatre exemples parmi tant d’autres :

1.     Si nous visons la relocalisation d’une alimentation de qualité, nos terres ne devraient plus être – comme actuellement – majoritairement affectées à des cultures ou élevages de rente, intensifs et destinés aux exportations[iii], mais plutôt vouées à la production vivrière en veillant à adapter la productivité à nos écosystèmes naturels.

2.     Si, dans un sens, nous exigeons une régulation du libre-échange ; dans l’autre, nous devrions assumer davantage de respect de l’autonomie alimentaire des peuples auxquels nous destinons nos exportations de produits agricoles. La solidarité envers les paysans et paysannes ne doit pas s’arrêter pas à nos frontières. Nous devrions soutenir la complémentarité et non la libre-concurrence dans l’approvisionnement des denrées alimentaires.

3.     Si nous voulons une alimentation de qualité et atteindre notre engagement minimum de 30% de la Surface Agricole Utilisable en Bio[iv], la prise en charge du risque sur les rendements et la variabilité de production, ainsi que les coûts des certifications « bio », devraient être assumés directement par les industries polluantes et/ou par la PAC au nom de la santé publique et de l’environnement. Actuellement, ces coûts sont injustement et lourdement assumés par les producteurs eux-mêmes. Le grand public devrait être sensibilisé de manière plus responsable sur ce qu’est l’alimentation saine et il faudrait empêcher la grande distribution de pratiquer une politique de prix discriminante sur les produits « bio ».

4.     Si nous voulons encore des agriculteurs et agricultrices demain, nous devrions tout faire pour stopper l’hémorragie de la profession : créer des vocations, soutenir les jeunes, l’accès à la terre, à la recherche et aux savoir-faire agroécologiques et protéger sérieusement les prix de vente des denrées agricoles.  

Les mangeurs aussi peuvent faire la différence en sélectionnant leurs points d’achat. Nos canaux de distribution alimentaire en coopératives de circuit court respectent le prix juste des producteurs et les associent directement aux décisions qui les concernent.

Le Collectif 5C veut des systèmes alimentaires qui permettent aux productrices et producteurs paysans de vivre dignement et en autonomie de gestion, valorisant des pratiques respectueuses de l’environnement et de transformation artisanale. Nous voulons des systèmes alimentaires qui rapprochent les consommateurs et les producteurs dans une économie sociale et solidaire. Nous voulons une alimentation au service de la Santé, de la Justice Sociale – c’est-à-dire accessible pour les consommateurs et digne pour les producteurs –, de l’Environnement et donc pour une Economie robuste.

DONC encore OUI, le système alimentaire peut changer !

Et le financement de cette révolution ne pourra se faire que par un investissement financier et politique massif dans une production, une transformation, et une commercialisation soutenables pour tous les paysans et paysannes, tous les mangeurs et mangeuses et notre planète !

[i] En savoir plus : https://agriculture.ec.europa.eu/common-agricultural-policy/cap-overview/cap-glance_fr

[ii] Abréviation de l’espagnol « Mercado Común del Sur », le Mercosur est une alliance économique et politique majeure en Amérique du Sud. L’accord UE-MERCOSUR désigne l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur.

[iii] Filières céréales wallonnes : 14% destiné à l’export, 32% à l’énergie et seulement 9% pour produire de la nourriture (source : UCL/Sytra https://sytra.be/fr/publication/filiere-cereales-wallonie/) ; Filière pomme de terres : « Le pays produit 16 fois plus de pommes de terre que nécessaire pour répondre à ses besoins domestiques, en utilisant de grandes quantités de pesticides et d’engrais riches en azote. La Belgique se classe au quatrième rang européen des plus grands utilisateurs de pesticides à l’hectare, derrière Malte, Chypre et les Pays-Bas » (source : theguardian : https://www.theguardian.com/environment/2021/may/15/the-chips-are-down-belgium-counts-the-cost-of-betting-all-on-the-potato)

[iv] Plan de développement de la production biologique en Wallonie à l’horizon 2030, juin 2021, la Wallonie.